De l'air, qu'on me donne de l'air. Qu'il sorte de ma tête, que je l'oublie pour toujours, petite sotte que je suis! Que son visage ne soit plus qu'un souvenir, que ce centre disparaisse dans une fumée de cendres, que lui et tout le reste s'enfouisse à jamais au plus profond de la terre.
... Non, ça ne marcherait pas, je serai capable d'y repenser rien qu'en frôlant le sol de mes pas.
... Non, la vérité c'est que je ne veux pas l'oublier: j'ai peur. Je n'ose pas affronter à nouveau son regard et ses mots, sa voix si douce; car pour rien au monde je ne suivrai Elwood; et je souffre tant de lui mentir... Je m'en veux tant de le croire fou! C'est un homme pourtant si beau et si profond que j'ai du mal à réaliser l'ampleur de la crise à laquelle j'ai bêtement assisté au début de la semaine. Une vulgaire gifle provoquée par mon effrois, il faut avouer qu'il y a mieux comme premier geste en guise de rencontre...

Mais tout ça est assez, pas une seule seconde j'ai pu fuir son image, elle demeure encrée dans mon esprit, je n'y peux rien. Je dois me battre, mais pas pour l'oublier. Demain j'y serai bien contrainte, il le faut, pour lui... pour moi. Y aura - t'il un "nous" un jour? J'en doute malheureusement.

J'espérai au moins que cet élan de solitude et d'impuissance ne me face pas renoncer, au contraire, qu'il m'aiderait à aller de l'avant. J'ai promis de le sortir de là, je tiendrai donc ma folle promesse.
Je marchais tout en chassant de manière peu efficace toute ces pensées, très floues, qui s'entremêlaient dans ma tête. J'ignorai encore qu'elle serait la finalité du chemin que j'empruntais, peut - être n'y en avait-il pas; et je m'en fichais. Je marchais pour le plaisir de me promener et de profiter une dernière fois de l'air frais, mais la nuit était vite tombée. Un voile noir recouvrait les 3\4 de la lune. Je ne reconnaissais là, qu'une petite allée que Benjamin et moi avions empruntés quelques fois. Nous avions une cabane ici, il y a des années de cela et, ma curiosité, mais aussi le manque que son absence creusait en moi me poussèrent à aller voir. Je n'avais pas grand espoir que la cabane soit toujours sur pied, mais peut - être en restait-il une trace. Et puis, un lac se trouve également là - bas, me détendre au bord de l'eau me serait sûrement bénéfique.

J'avançais donc, ayant à présent trouvé un sens à mes pas, laissant craqueler des brindilles sous mes talons. Je crus entendre une voix au loin, mais je n'y pris plus garde. Jusqu' à ce que, pénétrant enfin dans la lisère du bois d'où je pouvais apercevoir le lac, nos regards se croisent. Sur le coup, je me vis remonter 10 ans en arrière, mais ce n’était pas Benjamin, mon subconscient me jouait encore un tour, c'était Adam.

« Oh putain de merde !! T'es malade ou quoi !!! j'ai faillis avoir une crise cardiaque bon sang de bonsoir ! Mais qu'est ce que tu fiches ici , c'est dangereux à une heure aussi tardive, faut tout leurs expliquer aux jeunes de nos jours »

Même lui avait changé... depuis quand disait-il des vulgarités? Rien de remontant il est vrai, mais de sa part, je jure que c'est très étonnant. Enfin, peu importe, tout ce que je voyais c'était que lui comme moi étions plongés dans nos doutes, et nous étions visiblement échoués au même endroit.
J'appréhendais tout de même que son côté sombre, celui qui l'envahit et dont il ne se souvient jamais de l'existence, prenne le dessus sur son calme apparent. Mais il se montra très amical, je n'avais donc rien à craindre pour le moment, et ne jugeai ni bon ni utile d'éveiller les soupçons.

" Qu'est - ce que j'entends? Adam dit de vilains mots? " Je m'efforçai à l'humour et eu un petit rire moqueur. Je m'approchai de l'eau après avoir hotter mes chaussures et mes bas pour m'assoir en bordure du lac, puis parlai à nouveau. "Il n'y a pas de danger ici, je connais cet endroit mieux que toi tu sais! Est - ce que tu as besoin d'un air nouveau toi aussi? "

Je ne l'avais jamais vu ainsi, me parler du ciel, des étoiles... de mon cœur en morceau, je le savais très romantique, presque romanesque dès fois, mais pas à ce point là. Je devins muette, que pouvais - je bien répondre à ce qui ressemblait étrangement à une déclaration?


Il m'attira vers lui et je me laissai faire, je ne le repoussai pas, pas maintenant, je lui faisais confiance. Et puis, pour être honnête, les étoiles ne pouvait pas me faire de mal...
Je ne compris pas tout de suite sa deuxième attention, celle de m'offrir un présent. Je n'en fut que plus ébaïe.


« (...) Quand j'étais petit , ma mère me disait toujours que les étoiles veillaient sur moi , a présent j'espère qu'elles en feront de même avec toi , tient prend ce pendentif qu'elle m'a offert , il te portera bonheur , tu en auras d'autant plus utilité que je n'en n'ai.»


Je ne pouvais lui refuser ça, ce ne serait pas humain, mais d'un autre côté je me sentis étrangement génée. C'est le genre de cadeau que fait un homme à l'élue de son cœur, comme on en voit dans ces films un peu bateau... mais moi je n'étais qu'une amie, une très bonne amie certes mais tout de même, c'était si... gentil et déplacé à la fois. Je restais un moment muette, encore une fois, avant de bégayer quelques mots:


- C'est .. adorable vraiment, mais je ne suis pas sûre d'être la bonne personne à laquelle tu dois offrir ceci.


Malgré mes emble mots, il s'entêta à me passer le collier autour du coup, la lumière des étoiles le faisait scintiller, c'était un joli spectacle. Contre lui, me tenant fermement, je buvait ses paroles comme si elles ne m'étaient pas directement destinées. Mais la lune vint tout perturber. Quelle femme pourrait avoir autant peur que moi de la pleine lune? Aucune c'est certain. Ce n'était pas la lune elle - même qui me faisait peur, mais ce qu'elle pouvait lui faire, à lui...
Je m'écartai de ses bras sur le champ, tentant de conserver mon calme, puis je regagnai le bord du lac. Une fois les pieds sur la terre ferme, je me rappelai les raisons, certes un peu floues, de ma venue ici. Il faillait que je vois si la cabane était détruite ou avec un peu de chance, encore debout. Adam affichait une mine inquiète et ne tarda pas à me rejoindre alors que je partais déjà dans les bois. Le grand chêne tenait encore debout, bien portant sur son tronc épais. J'inspirai une grande bouffée d'air et me décidai à passer au travers des feuillages.
Stupéfaite, le socle de branche se dressait devant moi, formant un chemin circulaire autour de l'arbre et de la petite plateforme de ce qui, autrefois, était notre refuge à Ben' et moi.
Toujours aussi béate je m'y assis, cela faisait des jours entiers qu'un sourire ne s'était pas affiché sur mes lèvres.


- Tu as vu ça! Elle est presque intacte! Dis - je pas peu fière de ma découverte.