Je n’avais pas réellement pris conscience de mes paroles une fois que je les avais prononcées. Je regardais Aleksandr et avais pu percevoir une sorte de honte qu’il s’infligeait pour avoir osé se méprendre sur l’identité de sa sœur et lui faire des avances prononcées en plus de tous ce qu’il s’était passé. Son regard se laissait tomber, je remarquais que j’avais sans doute été trop loin dans mes jeux de provocation et je le regrettais amèrement. Mon but n’avait jamais été de faire du mal à Aleksandr, je prenais ces chamailleries pour des amusements entre deux amis qui étaient liés par l’âme sans savoir réellement pourquoi. L’attitude qu’avait adoptée Alek après ma réflexion mal placé prouvait qu’il n’était pas aussi diabolique qu’il semblait l’être, prouver que tout le monde était assez stupide pour croire à ce qu’il voulait montrer. Il avait construit toute une forteresse autour de lui, une forteresse invisible mais je le connaissais depuis trop longtemps pour tomber dans le piège qu’il avait soigneusement installé. Je pouvais confirmer que dans cet être, il y avait un homme blessé par la vie, courageux d’avoir pu tenir le coup et un cœur qui battait, peut-être faiblement mais assez fort pour qu’il puisse aimer, regretter, souffrir et apprécier les plus petits bonheurs que la vie pouvait nous offrir. Certaines personnes ont une façon bien étrange de faire du mal simplement car eux aussi ils ont mal, je n’ai jamais prétendu que c’était la chose à faire mais lorsqu’on est perdu, que l’on a plus rien à perdre, le chemin de la déchéance nous tend ses bras mais il fallait le vivre pour le croire, il fallait vivre dans l’enfer alors que d’autres sont morts à cet endroit et c’était ce que je faisais, c’était ce qu’Aleksandr faisait. Les gens ne sont que des moutons formatés, il est facile de les duper. On était maîtres dans ce jeu-là. Malheureusement.

Je suis capable de vous décrire Aleksandr, je suis capable de vous conter ses faiblesses, ses forces et son âme mais je ne le ferais jamais car c’était ce genre de secret qui nous tenait lier dur comme fer, c’était cette confiance aveugle qui nous rendait presque invincibles ensemble. J’étais en train de me laisser mener, sans savoir pourquoi, j’étais en train de perdre le contrôle de moi-même et même si ça me faisait mal, je ne trouvais pas la solution pour me reprendre mais j’avais toujours ce masque, cette désinvolture. Je désirais me relever, me dire que je n’étais l’esclave de personne et arrêter d’être ce mec qui ne cessait de se faire écraser par je ne sais qui. Peut-être que je réfléchissais trop, peut-être que je devenais paranoïaque mais j’avais l’impression que ma liberté était en jeu et les gens de mon entourage était ma faiblesse, aimer me rendait plus faible, j’en prenais conscience. Lorsque j’étais seul, je ne voyais pas du tout les choses de la même façon et j’étais plus sûr de mes gestes et actions, je n’avais pas ce doute au fond de moi, cette hésitation constante. Je n’avais pas peur. Je me contentais de vivre ma vie comme je l’entendais lorsque vous commencez à aimer, vous vous rendez compte que les complications et les difficultés arrivent. J’avais toujours pensé que je n’étais pas quelqu’un qui puisse s’attacher sans problème car justement ça m’avait posé problème durant toute mon enfance. J’étais de nature solitaire, j’aimais la solitude alors que d’autres la détestait. Lorsque je ressentais, je m’embrouillais, je ne savais pas comment m’y prendre. Je n’avais pas voulu m’y prendre mais la vie à cette fâcheuse habitude de nous mettre devant nos peurs les plus enfouies même si personne ne remarque vos tremblements, même si personne ne remarque cette sphère de stress qui se niche au creux de votre estomac. Je savais jouer mon rôle mais le problème était que je ne me sentais plus capable de le faire. J’aurais aimé me vider la tête, je voulais oublier, courir loin de ces complications insensées mais il n’y avait pas d’issue.

« Je te retourne l'avertissement camarade, tente de te tapé ma sœur par un beau soir de débauche et tu n'auras plus jamais le plaisir de goûter aux joies de la vie quotidienne l'ami »

Aleksandr m’amusait, il me faisait rire juste par ses répliques. J’aimais cette complicité, j’aimais ça, embêter les gens et de toute façon, c’était plus fort que moi. Il me regardait quelques secondes assez profondément, j’avais un peu l’impression de le retrouver après des années alors que ça ne faisait que quelques mois que tout s’était écroulé. C’était apaisant de me dire qu’au fond, on ne s’était jamais oublié, ça me rendait plus serein, c’était un remord de moins, une nouvelle libération comme la renaissance d’une amitié qu’on avait tous les deux oubliés en raison du débordement d’émotions violentes. C’était le calme après la tempête, nous étions exactement à l’endroit où nous pouvions reprendre notre souffle sans crainte et je ne pouvais pas nier le fait que ça me mettait à l’aise. Aleksandr rapprocha Maxim près de lui et je m’allongeais sur le lit en observant le plafond, on était quasiment l’un sur l’autre et je sentais plus aucune tension. J’essayais de me concentrer sur ma respiration même si elle était étrangement calme. Une discussion s’était mise en route même si je restais toujours à distance sur ce qu’il se passait dans ma tête, on parlait assez librement, sans limite, sans opposition. Après avoir longuement parlé tous les trois, Maxim décidait de terminer tout ce sérieux en lançant un oreiller en pleine figure à son frère. J’éclatais de rire directement, il avait l’air tellement concentré les minutes auparavant qu’il était perturbé par le choc du coussin, après avoir éclaté de rire, je remarquais qu’Alek gémissait et semblait se tordre dans la douleur. Je remarquais le regret sur le visage de Maxim qui se rapprochait de son frère pour vérifier qu’elle ne lui avait pas fait trop de mal, je m’approchais instinctivement moi aussi et j’avais cessé de rire directement mais on était tombé dans le piège d’Aleksandr car il se releva brusquement pour nous balancer un coussin à chacun. Il m’avait effrayé en sautant de cette façon mais j’en avais ris encore. On avait rigolé durant plusieurs minutes sans pouvoir s’arrêter et le frère de Maxim affichait un air de satisfaction alors que Maxim et moi étions morts de rire de la situation.

Cela faisait longtemps que je n’avais plus entendu le rire de Maxim, que je ne l’avais plus vu aussi souriante et aussi vivante. Je m’arrêtais de rire, elle me regardait encore avec ce regard que je ne connaissais que trop bien mais je me remettais assez vite sur le lit et continuait à regarder le plafond, ces fous rires m’avaient essoufflés, la couleur de ce plafond en question était tout sauf brutal. C’était neutre, comme tous les plafonds du monde. La couleur était l’une des plus banale qu’il soit mais c’était distrayant de lui donner un sens précis, il y a tellement de chose qui tournaient sans cesse dans ma tête que je ne pouvais pas discerner les bonnes idées des plus ridicules lorsque je mettais à imaginer toutes ces choses tournantes. J’aimais ce silence, ce silence qui était si imprenable et si envahissant à la fois. Je restais allongé, serein. Ma tête se vidait au rythme de mon imagination qui courrait, j’aurais voulu resté comme ça pendant des heures et des heures mais je sentais les mouvements d’Alek perturber mon immobilité. Maxim semblait toute aussi calme que moi, elle me ressemblait beaucoup, elle était quasiment semblable à moi, s’en était étonnant. C’était un peu moi au féminin en plus discret peut-être. Je ne savais pas pourquoi Aleksandr avait décidé de prendre la parole mais ses paroles avaient encore une fois provoqué mes rires, il avait cette façon de me rendre euphorique même lorsque j’étais à mon stade le plus calme, une parole suffisait et tous mes efforts étaient réduits à néant.


« Damon c'est moi où t'as déjà couché avec ma sœur ? »

Maxim s’était directement vengé en frappant Aleksandr doucement, je riais en même temps qu’Aleksandr. Je connaissais suffisamment Maxim pour savoir que ça allait la gêner, elle n’était pas ce genre de fille qui parlait de ça aussi facilement que d’autres, elle était réservée sur ce sujet mais ça ne voulait pas dire qu’elle n’y connaissait rien, je la connaissais suffisamment là aussi pour pouvoir le confirmer. Il s’excusa directement auprès de sa sœur pour cette question assez indiscrète et me fit un sourire complice. J’avais compris que je devais continuer sur ce sujet juste pour embêter sa petite sœur, je lui souriais à mon tour et regardait Maxim à nouveau, elle ne disait rien mais je savais qu’elle n’en pensait pas moins. Je n’avais pas pu retenir mon rire, c’était comme s’il était sorti tout seul. Elle riait à son tour en me regardant toujours, je ne savais pas à quoi elle pensait mais je pouvais tenter de l’imaginer et c’était vraiment amusant. Aleksandr riait lui aussi, j’aimais son rire, il était rare mais lorsqu’il sortait de sa bouche, il était sincère, vrai et surtout naturel. Je ne m’en rendais peut-être pas compte mais être avec eux, à partager des moments simples comme ceux-là me faisait oublié, me redonnait de l’assurance. Je ne me sentais pas enchaîné, j’avais fait la paix avec moi-même vu que mon esprit ne me tourmentait plus, je voulais que ça dure, il était hors de question que je pense aujourd’hui, que je m’en fasse, que je sente cette sphère dans mon ventre. Je fuyais l’ombre. Je m’arrachais à elle, de ma propre volonté. Sans personne, je progressais et c’était grâce à ces rires, j’en été sûr.

- Hm… Je crois que je l’ai même dépuceler.

La vitesse à laquelle l’expression de son visage avait changé m’avait donné envie de rire encore mais je me retenais cette fois, en réalité, je ne savais pas si c’était avec moi qu’elle avait fait sa première fois. J’avais dit ça simplement pour l’embêter et au fond, elle le savait. Elle détournait son regard du mien, je trouvais ça adorable. J’étais en plein dans les souvenirs mais j’avais parlé de mon présent lorsque nous étions allongés sur le lit, j’avais tellement de souvenirs qui s’étaient échappés que ça me faisait du bien de me rappeler tout ça. La chose était que je ne pouvais pas continuer dans cette direction, je devais créer, je devais m’évader de ce passé qui ne m’avait pas encore définitivement lâché. J’étais nostalgique à l’excès, ça nuisait à mon présent mais je faisais encore ce que je voulais, jusqu’à preuve du contraire. Si je m’arrêtais et bien je m’arrêtais, j’avancerais lorsque je le déciderais. Aleksandr se relevait, je ne savais pas ce qu’il avait derrière la tête mais je n’avais pas du tout l’envie de bouger enfin de compte, j’étais bien mais malheureusement, il était revenu dans la pièce en parlant encore une fois.

« Bon on va manger ? C'est pas ça mais j'ai juste un petit pus les crocs là, allez je paye la bouffe debout feignant direction Kebab Mania , Hummm charal ! »

« Hum c'est pas tout mais j'ai peur que par votre pensée vous ne vous accoupliez et formeriez des marmots allez hop hop hop hop , on dégage , poussez vous de là »

Je trouvais qu’Aleksandr parlait d’une façon étrange aujourd’hui mais ce n’était pas pour me déplaire, il m’amusait en parlant comme un aliéné. Il nous poussait moi et Maxim pour qu’on bouge du lit, je me levais du lit à mon plus grand regret et je me dirigeais vers la sortie tout en parlant.

- Arrête de croire qu’on a la même façon de penser que toi, je pensais pas à faire des marmots d’ailleurs j’en veux pas encore alors tu peux déjà virer ça directement et puis au Kebab, il y a pas de charal déjà. Alors vérifie tes sources.

Je parlais toujours avec un ton amusé. On sortait de l’immeuble et Aleksandr passait devant moi pour nous emmener jusqu’à sa voiture. Je rentrais devant, Maxim à l’arrière et Alek au siège conducteur. Après quelques minutes de route, on était arrivés au fast-food. Je pense qu’Aleksandr avait une obsession pour les fast-food, c’était étonnant pour un mec qui était toujours habillé en costar habituellement mais bon, je ne me posais pas de questions sur le sujet. Je sortais le premier de la voiture et était suivi de Maxim. On entrait dans le restaurant, je choisissais une place et je me mettais à côté d’une fenêtre. Aleksandr avait l’air d’être encore motivé et Maxim riait des conneries de son frère. Ils étaient vraiment attachants lorsqu’on les connaissait bien. Ils n’étaient pas aussi sombres et différents enfin de compte. Les gens jugeaient malheureusement trop vite.