-Tu dégage quelque chose d'étrange.C'était comme si je te connaissais.Comme si j'avais été proche de toi dans une autre vie.Et là,tu me prends pour un taré.Non ? expliqua t il

Elle le regardait, ébahie, stupéfaite. Il était parvenu à mettre des mots sur ce qu'elle ressentait. Cette sensation était donc réciproque. Alison se sentait déboussolée.Tout prenait une tournure différente, comme si le monde qui l'entourait était en train de changer, d'évoluer... Comme si, leur rencontre avait bouleversé le cours des choses... Si ce que disais Damon était vrai, alors cela expliquait tout. Le monde est trop vaste pour s'arrêter à ce que l'on sait. Il faut voir plus loin, élargir nos horizons, afin de voir mieux. L'existence d'une autre Alison, dans un autre monde en devenait alors possible. Dans une autre vie, une autre Alison aurait pu connaître cet homme, en être très proche même. Peut être était t il des amis, des frères, ou bien plus que cela. C'était encore vague, mais pas impossible. Alors, il était donc normal que l'Alison d'aujourd'hui n'ai pas le souvenir de cette rencontre, mais se sente proche de Damon. C'était fou. Mais dans l'étât actuel des choses, c'était la seule explication.

-Non, je ne te prends pas pour un fou. Je ressens exactement la même chose. J'ignorais si c'était la pareil pour toi. J'ai l'impression de t'avoir déjà vu, déjà rencontré auparavant, or je n'en ai plus le souvenir. C'est ça le plus étrange. Je me souviens de tout, sauf de toi. Tu es troublant toi aussi, tu sais. déclara t elle d'une voix qui se voulait rassurante.

Alison était à présent persuadée que le destin existait. Elle y croyait, sinon pourquoi serait t elle ici avec Damon, en cet instant. Elle avait rencontré tellement de personnes, d'âmes, de visages, mais c'était la première fois qu'elle éprouvait ce genre de sensation envers un inconnu. Pour la toute première fois de sa vie, elle ne se sentait plus seule. Perdue dans ses pensées, Alison regardait la surface miroitante de l'eau, le ciel était parsemé d'étoiles, toutes aussi brillantes les unes que les autres.

Les aiguilles des montres s’étaient arrêtées, tout ce qu’il y avait au-delà des limites du lac Black River n’avait plus la même importance qu’auparavant. Ma rencontre avec Alison s’était faite avec une impression intemporelle et l’ambiance apaisait l’ardeur du présent difficilement gérable par moment. C’était comme une trêve après une longue route semée d’embûches, un endroit où l’on pouvait respirer sincèrement et non sous de faux-semblants. Les choses étaient certes incompréhensibles mais elles existaient et quelque chose en moi me disait de ne pas les regretter. Sans la connaître, je savais que cette jeune femme avait une lumière en elle, une lumière si forte que la confiance que je ressentais pour elle à cet instant été apparue de façon soudaine et immédiate. Alors que je ne faisais que me méfier de mon entourage à longueur de temps, ce n’était pas le cas ici. L’évidence remplaçait étrangement l’étonnement. Sans que je ne sache vraiment pourquoi, les ressentiments face à cette nouvelle rencontre étaient flagrants. Les révélations qu’elle m’avait faites n’étaient pas des choses que l’on disait à n’importe qui et pourtant elle m’avait tout confié, comme si l’on se connaissait depuis des années et que la confiance était des plus solides entre nous. Peut-être que je ne devais pas me poser de questions sur ce qu’il se passait, peut-être même que nous n’étions pas en mesure de le comprendre mais simplement de le vivre et d’en prendre tout ce que nous pouvions. Il y avait quelque chose d’enfantin dans son regard, au-delà des blessures qui avait usé la couleur de ses iris et c’est justement ce côté enfantin et fragile qui me touchait le plus en elle, qui réveillait en moi le besoin de la protéger, de faire ce qui était en mon impossible pour que sa vie soit meilleure et que son âme soit plus légère.

Une impression de déjà vu, quelque chose qui me ramenait à des souvenirs que je n’avais jamais soupçonnés auparavant venait faire leur apparition dans mon esprit embrumé par l’incompréhension et le doute d’une connaissance passée. Serait-il possible que mes hypothèses soit justes ? Et si elles l’étaient, qu’adviendrait-il de la découverte que je venais de faire ? Des questions sans réponses utiles se promenaient dans l’air, dans le son de ma voix et dans les gestes que j’exécutais. J’étais loin de me sentir mal à l’aise pourtant, au contraire. C’était sans doute ça le plus incroyable mais ce n’était pas déplaisant en fin de compte. Je ne comptais pas le temps passé ici, au bord de ce lac gelé par le froid. Une sorte d’amitié naissait dans le vent hivernal qui s’amusait à faire frissonner nos peaux, celle d’Alison et moi. Une amitié qui n’avait rien avoir avec celles que j’ai pu créer et vivre avant. C’était différent, un sentiment qui nous paraissait irréel mais qui était pourtant bien existant. J’étais en train de me demander si je n’étais pas en train de rêver, vagabondant dans le temps grâce à mon subconscient. Aurais-je le souvenir d’Alison ou encore de tout ce que l’on s’était dit au cours de notre conversation quelque peu étrange lorsque je me réveillerais ? Je l’espérais, j’espérais même ne pas la perdre de vue car un attachement à sa personne se créait sans que je n’aie poussé quoi que ce soit à en arriver là. Le naturel était la seule chose perceptible que je parvenais à comprendre. En fait, si cela était un rêve, je n’avais pas réellement l’intention de me réveiller et je savais qu’à mon réveil, je tenterais de la retrouver. Même avec le peu d’informations que j’avais à son sujet. A quel point nos désirs, nos attentes et nos besoins jouaient sur la réalité ? Si je rêvais de cette rencontre, de ce lien avec cette personne que je n’avais jamais vu ailleurs. C’était que mon destin se dessinait grâce à ma subconscience dans ma conscience, Alison avait indirectement sa place dans mon avenir. Avenir que moi seul pourrait décider et quand bien même la fatalité du destin se réduirait au néant vu que le choix me reviendrait de droit dans la réalité d’après ce rêve. Après s’être levée, Alison me regarda avec un air enjoué pour finir par avancer vers le bord du lac. Je l’observais avancer en ayant un léger sourire parcourir mon visage, je ne savais pas ce qu’elle comptait faire et j’étais impatient de voir ce qui allait se passer.

Finalement, elle fit ses premiers pas sur la grande couche de glace qui recouvrait le lac dans son entièreté. C’était plutôt osé comme défi. Bien que j’avais toujours aimé le risque, l’inquiétude que le gel se fêle sous ses pieds me prit de l’intérieur. Je n’étais pas sûr qu’elle réussisse à atteindre l’autre rive. Plusieurs fois, elle avait manqué de chuter. Glissant rapidement pour se rattraper de justesse ensuite, elle avait bon équilibre certes mais la glace était ce genre d’élément trompeur qu’on sous-estimait souvent et je parlais en connaissance de cause. Je restais sur le bord, ne sachant pas si je devais la rejoindre ou augmenter la solidité de la glace pour ne pas que le drame arrive. Elle avançait pourtant, n’étant plus qu’à quelques mètres de l’autre bord. Peut-être que je m’inquiétais trop, ce n’était pas dans mes habitudes pourtant. C’était certainement de l’inconscience de s’aventurer sur le lac alors que sa solidité n’était pas sûre et pourtant Alison n’avait pas eu peur, comme une enfant qui voulait simplement s’amuser, elle s’amusait avec le danger toujours avec ce regard perturbant. Sans que je ne m’y attendre, elle fit demi-tour et m’adressa la parole, me défiant presque à la rejoindre. Cela m’amusait, l’inquiétude était partie et je m’étais levé à mon tour. Je m’avançais avec une certaine assurance sur la glace, même si je n’appréciais pas réellement cette sensation d’insécurité. Je ne comptais pas sentir mon sang se glaçait dans mes veines, même si Aprilia m’avait appris à supporter une certaine température inférieure au seuil de tolérance.

- Tu viens ou tu comptes rester là me regarder faire l'idiote ?
- Je suppose que c’est mieux de se sentir accompagné dans ces moments-là.

J’essayais de contrôler la pression de mes pas sur la glace, glissant de temps à autre maladroitement pour me rattraper aussi bien que je le pouvais. Je sentais les minuscules fissures naître sous mes pieds en ayant que mon équilibre comme maintien. Je la rejoignais après quelques minutes, le temps de parvenir jusqu’à elle sans briser la glace sur laquelle on s’aventurait comme des enfants commettant une bêtise. Je riais à nouveau lorsque finalement j’arrivais jusqu’à elle. Il restait quelques mètres pourtant devant nous, je regardais derrière moi comme pour évaluer la distance à laquelle on se trouvait. On aurait pu conclure que nous nous trouvions au centre, ce qui n’était pas quelque chose qui devait forcément nous rassurer. Je regardais ensuite Alison qui ne semblait pas si effrayée que cela. Lorsque vous vous trouvez dans ce genre de situation, la dureté du froid n’a plus la même valeur. La seule chose à laquelle on pense est d’atteindre l’autre rive et tout cela, simplement pour s’amuser. La simplicité de l’enfant, son intrépidité que l’on perd en grandissant. Tout ceci était des choses que je sentais revivre en moi au fur et à mesure que je passais du temps avec cette jeune femme étrange, comme si je revenais quelques années en arrière. Des années passées avec elle, mais que je ne connaissais que par une mémoire subtile. Réelle ou chimérique ? Je n’en savais encore trop rien. J’avais pris la décision de prendre son bras avec ma main, si jamais la glace venait à nous trahir.

- Si la glace se brise et que tu tombes, tu ne seras pas toute seule.

La seule chose que je n’avais pas anticipé était que la glace commençait déjà à se fissurer à la rive que je venais de quitter, il y a quelques minutes…

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